LA SAISON 2
UNE RENCONTRE UNIQUE
ENTRE UN ARTISTE, UN LIEU, UN REALISATEUR
A DECOUVRIR DU 2 AU 16 DECEMBRE 2021
UNE DEUXIEME SAISON QUI CÔTOIE LE CINEMA
Pour cette deuxième saison, nous avons travaillé un format artiste-lieu-vidéo donnant naissance à un objet hybride, s’éloignant de la captation traditionnelle. Cette différence résidait dans la volonté de garder la porosité du lieu. Sortant l’artiste de sa zone de confort, nous lui proposions de créer une œuvre In situ, suscitant l’imprévu, l’accident pour capter cet instant éphémère, unique, qui ne se produirait nulle part ailleurs.
Avec « Angers pousse le son », nous souhaitons dessiner les prémices d’un nouveau format. Il n’est plus question d’inviter un artiste à se représenter dans un lieu, mais de créer ensemble un instant d’intimité en croisant des regards pour créer un objet audiovisuel, sensoriel, unique et inédit.
THIBAULT CAUVIN
Quelque part entre le rêve et la réalité, solidement soutenu par l’imposante architecture du château d’Angers mais déjà inscrit dans le ciel, le guitariste Thibault Cauvin déambule au son d’une transcription pour son instrument de City of stars, extrait des chansons du film Lalaland de Damien Chazelle. Imaginé par la cinéaste Marine Francen, ce parcours poétique a été immortalisé dans un clip de quelques minutes à partir d’une « intuition » de la réalisatrice : « j’ai voulu convoquer une humeur douce et mélancolique pour enrichir à l’image le sentiment développé par Thibault Cauvin à travers sa sensibilité ». Dans un travail qui rend hommage à la lumière naturelle et aux éléments, chaque matériau mis en valeur illustre l’ouverture et le caractère du lieu plusieurs fois centenaire : des gouttes d’eau filmées en plan très serré, les herbes du château, les pierres enchevêtrées… « c’est une cité dans la cité avec une âme très forte – nous ne voulions pas dresser une carte postale du château. » Les séquences tournées à l’extérieur s’adossent à celles enregistrées dans une grande pièce de l’édifice, qui laissent la place au musicien et à sa musique. « L’acoustique était incroyable : imposante, majestueuse, très élégante et puissante… à l’image des lieux », souligne Thibault Cauvin. Son projet lié à l’interprétation des musiques de films qui l’ont marqué prend ici une dimension toute particulière dans un clip à la saveur unique : « nous avons laissé parler la réverbération du lieu en réservant une place à sa personnalité tout entière. » Un moment inspirant.
NOËMI WAYSFELD & CHRISTIAN-PIERRE LA MARCA
Noëmi Waysfeld abrite au cœur de sa voix un instrument qui vibre au rythme de son âme, sans cesse animée par des flots sensibles. Au centre de son projet « Soul of Yiddish », Kol Nidrei interroge une aspiration de la chanteuse vers des lectures mystiques et sacrées de l’art, mais également vers ses ascendances juives ashkénazes. Une rencontre avec la femme rabbin Delphine Horvilleur lui a délivré les clés d’un nouveau monde à explorer : « je suis profondément athée, mais cette mélodie plus forte que le texte et qui laisse la place à l’indicible me touche énormément. » A l’origine de cette démarche, le violoncelliste Christian-Pierre La Marca s’est passionné pour la voix de Noëmi Waysfeld en lui indiquant la piste des mélodies yiddish. C’est justement avec lui qu’elle propose une revisite personnelle de Kol Nidrei : sensuelle, féminine et solaire, suivant un arrangement réalisé par les soins du violoncelliste. Tandis que le timbre de Christian-Pierre La Marca se développe comme une longue vocalise, la voix très instrumentale de Noëmi vient réveiller l’esprit de l’abbaye de Ronceray. « J’aime les lieux atypiques ou qui racontent une histoire. J’ai l’impression d’avoir moins à prendre en charge », confie Noëmi Waysfeld. Le vide et le silence habités par les restes du passé ont permis au duo de proposer leur histoire, en contact avec la pierre et le matériau brut. Sous une grande fenêtre, cordes et voix ont fait élection pour se laisser porter par le moment, à nu et en toute intimité.
LO’JO
Pour Denis Péan, chanteur du groupe Lo’Jo, chaque mot exprime une idée, aucune expression ne répond au hasard, et l’économie rime avec l’essentiel. On le retrouve avec son ensemble au Musée d’histoire naturelle d’Angers dans un format vidéo de treize minutes où l’histoire de l’Homme présentée dans les lieux fait écho à la démarche artistique du chanteur : « dresser un bilan de ma vision du monde à travers une expression poétique ». Trois chansons du dernier album de Lo’Jo sont offertes à la sensibilité du spectateur : Black Bird, Minuscule et Transe de papier (qui a donné son nom à ce dernier opus). Entouré par les musiciens Nadia et Yamina Nid el Mourid, Richard Bourreau et Alex Cochennec, Denis Péan rend hommage également à la ville qui l’accueille en déplaçant l’œil de l’observateur sur quatre lieux chers à son cœur : le musée des Beaux-Arts où fut tirée la première affiche du groupe en 1984, la gare Saint-Laud, porte d’entrée puis de sortie de la ville et brèche entre ici et l’ailleurs, le quai Fèvre le long de la Maine depuis laquelle se déplie un panorama sur la ville, et le grand Théâtre d’Angers – évocation au mur de la prison depuis laquelle s’évadait un algérien militant pour la libération de son pays et condamné pour des actes de résistance en 1961. Les images témoignent d’un tournage intense qui a fait place à l’engagement de Lo’Jo pour un monde servi avec humilité par l’Homme citoyen. Et comme une sentence finale, Denis Péan déclame avec percussion : « la vérité titube et l’Occident trébuche ».
MOURAD MERZOUKI, CIE KÄFIG & LE CONCERT DE L’HOSTEL DIEU
En référence et en hommage aux tapisseries de l’Apocalypse du XIVe siècle dont la ville d’Angers abrite la splendeur, le Chant du Monde de Jean Lurçat est un manifeste engagé d’un artiste entre deux-guerres, message d’espoir et de paix dans une société secouée par tremblements et répliques successifs. En contrepoint de cet étourdissant message artistique, le chorégraphe hip-hop Mourad Merzouki, et le Concert de l’Hostel Dieu dirigé par Franck-Emmanuel Comte ont uni leurs sensibilités au musée Jean Lurçat, sous le regard du réalisateur Alexinho Mougeolle. En écho à la folie du monde, au dérèglement climatique et aux excès humains, le thème Folia s’est imposé, avec la conjonction de deux pièces aux caractères différents : une chanson traditionnelle du sud de l’Italie, la Carpinese d’une part, et une sonate de Vivaldi d’autre part. « Ce thème de la Folia est connu et donne lieu à des variations exubérantes, joyeuses et virtuoses qui se prêtent particulièrement à la danse », explique Franck-Emmanuel Comte, pour qui le lien entre les deux esthétiques relève de l’évidence. On l’appelle « loop » dans la musique électronique, et « ostinato » dans l’écriture ancienne : les canevas mélodiques et harmoniques communs à ces deux formes d’art ménagent toute la liberté nécessaire à l’improvisation. « Le spectateur évolue à travers différents tableaux qui amènent une puissance évocatrice par le fait du nombre », précise Mourad Merzouki. Troisième intervenant, la tapisserie monumentale délivre ses secrets tout au long du court métrage de treize minutes, tourné dans le secret de la nuit.
LES ARTS FLORISSANTS
« Un espace large, voûté, avec une charpente magnifique », une chaleur imprimée dans le son, les parois des murs baignés par la lueur des bougies… voici l’atmosphère des greniers Saint Jean qui ont formé l’écrin rêvé d’une captation des Arts Florissants, dirigés pour l’occasion par leur chef Paul Agnew. Le temps d’un tournage, l’ensemble de William Christie s’est découvert angevin, amoureux du patrimoine, en présentant un programme élaboré autour de la musique d’église du compositeur Henry Purcell : « une idée relativement récente, qui répond néanmoins à notre répertoire », précise Paul Agnew. Les dix-huit chanteurs accompagnés par un quintette à cordes et un orgue ont proposé « tout un mélange de pièces exclusivement composées pour la chapelle royale », et parmi elles un Bell anthem, qui évoque directement les cloches de Westminster, Here my prayer o Lord, un hymne pour chœur a capella, ou encore My Heart is inditing of a good matter, composé pour le couronnement de James II. « Les confinements se sont accompagnés de nombreuses captations, qui nous ont frustrés assez rapidement », soulève Paul Agnew. Ici, l’image s’est éloignée d’une simple capture figée pour s’inscrire dans une recherche cinématographie, autour du lieu, de l’œuvre et des interprètes. Une valorisation proche de l’opéra : « les chanteurs sont habitués à la mise en scène – ce n’était pas une difficulté nouvelle pour eux ». La vision artistique développée de concert avec le réalisateur John Blanch ménage des atmosphères singulières pour chaque pièce, dans un lieu qui « donne le son et renferme un aspect de la vérité de la musique. »
